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Brothers

À un instant du film, Grace, le personnage interprété par Natalie Portman (fade et transparente), confie à Tommy, son beau-frère un peu rebelle (il a des tatouages, fume des joints, a été en prison et n’est pas un bon soldat qui sauve des gens, c’est comme ça qu’on sait qu’il est un peu rebelle), un soir devant la cheminée : "I’m such a cliché". Aveu conscient, inéluctable, résumant très exactement ce tire-larmes plein de ferveur poisseuse, ad hoc pour réconforter et satisfaire cette Amérique encore traumatisée, semble-t-il, par ses GI’s morts au combat et engluée dans des batailles lointaines qui n’en finissent plus.

Ce récit malhabile, presque naïf, d’un homme (Sam) présumé mort au combat en Afghanistan, puis revenant auprès de son épouse et ses deux filles après des mois d’emprisonnement (et constatant le rapprochement entre sa femme et son frère), n’apporte aucun étonnement, n’ouvre sur aucun vertige, aucun abîme quel que soit le champ d’action figuré (dans la relation des frères, les fêlures de Sam ou dans l’évocation des bouleversements intimes de chacun). Le film a quelque chose de figé, d’exaspérant et de dépassé qui gêne l’empathie, contrarie un désordre soudain.

Tout ce qu’il fallait précisément éviter, tout ce qu'il y avait à ne pas faire pour ce genre de film, Sheridan le fait et s’en abreuve avec l’enthousiasme d'un marine conditionné pour occire du taliban ; situations convenues et attendues en plus d’être platement mises en scène, sempiternels rabâchages et stéréotypes du deuil, du traumatisme de guerre, de la famille unie dans l'adversité (les deux gamines sont souvent sollicitées pour amener les sanglots, susciter l’émotion facile) et, finalement, jamais rien de vibrant, de déflagrant à la longue et à chaque seconde. Sheridan a été plus inspiré (et plus inspirant) quand il filmait, directement à l'estomac, d’autres tragédies humaines moins bienveillantes (The field, Au nom du père, The boxer).

À l’opposé de films divers (JarheadDans la vallée d’Elah, Battle for Haditha, Redacted...) impliquant une perspective sombre et peu glorieuse des conflits américains récents, Brothers, sorte de Voyage au bout de l’enfer du pauvre (et remake inutile d’un film danois), se complaît dans la mignardise psychologique et un discours social moribond. Excepté deux ou trois scènes saisissantes (Sam commettant l’impensable pour sauver sa peau, le final dans la cuisine…) et le jeu poignant, dans la deuxième partie, de Tobey Maguire, il n’y a rien à sauver, rien à se rappeler de cette œuvre lisse et standard, formatée par trop de normes compassées.

Brothers
Tag(s) : #Films

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