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Les amants du Texas

Des amants encore. Des amants maudits, éperdus et perdus au fond du Texas, qui s’aiment comme des fous, par-dessus tout et des sans foi ni loi. Il y a Ruth et il y a Bob, beaux tout le temps, réminiscences lointaines, évaporées si on veut, de Bonnie and Clyde, beaux dans le soleil rasant ou l’ocre des campagnes, beaux même un flingue à la main, même du sang sur la chemise, et jusqu’au bout quand les flics les emmènent, menottés, et qu’ils continuent à vouloir s’embrasser. Bob file en prison, Ruth élève seule leur petite fille qui vient de naître. Bob s’échappe, Ruth tente de vivre normalement (une maison, un travail), de se reconstruire, laissée là en équilibre. Et puis il y a Patrick, le jeune shérif amoureux de Ruth, lui qui fût blessé par elle lors de leur arrestation, chopé une balle dans la peau.

David Lowery ravive avec brio une certaine mythologie américaine, mythologie des grands maîtres (Terrence Malick, Arthur Penn, Clint Eastwood…) et des histoires d’amour criminelle déployées sur les terres chaudes d’une Amérique profondément rurale, aux fausses allures de western fatigué (petite ville tranquille, chasseurs de primes, stetsons et gunfights). Mais à trop vouloir s’appuyer sur ces illustres figures, ces si chatoyants fantômes, l’intrigue finit par imposer un classicisme qui n’arrive guère à surprendre, égarée dans ses larges convocations et ses lieux communs par défaut. Le drame psychologique qui se joue reste fort, sauf qu’il a du plomb dans l’aile.

Magnifié par la photographie irisée, apaisante, de Bradford Young, Les amants du Texas cherche constamment à plaire (élégance de la mise en scène), à envoûter (lyrisme diffus), à dérouter aussi (trame narrative s’essayant à l’ellipse, souvent). Tragédie des sentiments qui métamorphose éros en passion épistolaire (et thanatos dans l’ombre, à l’affût), le destin en moments figés, condamnés dans l’attente (d’un retour, d’un départ, d’une fuite toujours…) où les incertitudes, les dangers, malmènent tous rapports intimes et filiaux (ceux d’un père qui ne s’émerveillera de sa fille qu’aux orées du gouffre, dans un ultime regard subjugué). Rooney Mara et Casey Affleck sont brûlants, sans peur et sans reproche, mais c’est Ben Foster qui impressionne en masse, magnifique en flic humble et transi, transi et droit. Ils sont un trio qui frémit des heures durant et dont chaque partie accepte, dans de dernières étreintes, les entraves de l’existence.
 

David Lowery sur SEUIL CRITIQUE(S) : A ghost story, The green knight.

Les amants du Texas
Tag(s) : #Films, #Cannes 2013

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