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Pina

Hommage à Pina Bausch qui n’est plus là, hommage à un fantôme qui hante encore les esprits et les regards de ceux qui ont travaillé avec elle, à la figure d’une reine qui aura, pendant plus de 30 ans, réinventé la danse et le théâtre. Pina débute par une représentation de son Sacre du printemps absolument incroyable qui fait, de suite, se glisser dans son univers : abnégation totale des danseurs qui se donnent et qui s’oublient, presque en transe, violence des rythmiques jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la sueur qui coule, beauté des corps secs, tendus en permanence, et des gestes déployés, répétés, de leur énergie, de leur grâce, magnifiés, rapprochés de nous par une 3D qui, cette fois-ci, trouve un aboutissement concret, une raison d’être et de servir.

Pour le néophyte étranger à l’œuvre de la célèbre chorégraphe, Pina est plus qu’un bel éloge gravé intensément dans le marbre ; il est une immersion totale, parfaite, dans son art et dans la découverte de ses multiples expressions. Il est cependant regrettable que les divers témoignages (entendus en voix off par-dessus les visages des danseurs, silencieux, graves ou plus souriants, se remémorant les souvenirs d’une artiste entière au parcours singulier), en fassent un peu trop dans l’affectation et la sacralisation, uniformes dans leur envie de célébrer, légitimement, et la personne, et le mentor, et son talent. Pina est la meilleure, Pina est grande, Pina est une déesse, Pina est Dieu, Pina m’a révélé, Pina nous comprend, etc.

L’intention et le dispositif sont sincères, mais ces témoignages, quand ils ne viennent pas rompre l’enchantement des parades orchestrées, ont un côté définitif et sentencieux qui finit par agacer. On n'est jamais loin du "Après Pina, le néant", comme si le film signifiait que la danse contemporaine ne pouvait exister, ne pouvait plus exister, désormais, sans l’incontournable Pina Bausch. Faisant fi de ces trop jolies paroles, le film existe alors pleinement et simplement (les mises en scène se suffisent à elles-mêmes), superbe captation du "style" Bausch, de sa force et de ses fulgurances, du caractère profond et totalement physique de ses créations. Visuellement et émotionnellement, le film est un ravissement de chaque instant, tour à tour subtil et puissant, fragile et léger. Si c’était possible, on voudrait que le film ne s’arrête pas, dure encore et toujours, des heures et des nuits.

À travers quatre spectacles emblématiques (Le sacre du printemps, Café Müller, Kontakthof, Vollmond) et autres saynètes mises en situation dans des décors naturels (à Wuppertal, ville d’adoption de Bausch, et dans d’autres lieux alentours, usines, rues, forêts…), Wenders semble vouloir explorer, saisir la dimension et les mouvements exacts d’un langage unique qui dit la solitude, qui raconte la violence, la beauté des sentiments et des rapports humains. Offrant au spectateur un vrai plaisir des sens et de l’intellect, Pina s’égrène au fil de tableaux poétiques, de scénographies fortes, très souvent d’une harmonie époustouflante, et procure un grand bouleversement qui fait se sentir bien. Un film qui emporte. Un film qui transporte.


Wim Wenders sur SEUIL CRITIQUE(S) : Paris, Texas.

Pina
Tag(s) : #Documentaires

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