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Paris, Texas

Palmes d’or légendaires 2/7 - 1984


Désert immense sous l’incandescence d’un soleil trompeur, élans meurtris de poussière et de sable, et un homme seul qui se traîne, vagabonde après avoir couru trop longtemps jusqu’à vouloir complètement disparaître. Et les quelques éclats de guitare de Ry Cooder, lancinants et lumineux, accompagnant ce beau voyage dans les revers tristes du rêve américain. Paris, Texas, c’est l’histoire d’un amour fou qui s’est mal fini, un homme et une femme qui s’aimaient trop et qui, des années plus tard, s’effleurent, se caressent à nouveau à travers la vitre sans tain d’un peep show mélancolique. Leurs visages se superposent, se confondent comme retrouvés enfin après tant d’années d’absences et d’égarements.

Il lui raconte son histoire, leur histoire, elle comprend qui il est, elle pleure doucement en se rappelant alors, là contre un mur de sa cabine mélancolique. Scène bouleversante, magnifique de pudeur, d’émotion esquissée, et sans doute l’une des plus touchantes du cinéma de Wenders qui confirma, entre autres, le succès de son chef-d’œuvre, symbiose parfaite entre son esthétique de l’errance, grise, désabusée, et que l’on peut considérer comme spécifiquement Est européenne (Béla Tarr, Wojciech Has, Theo Angelopoulos…), et la sensibilité à fleur de peau, plus essentielle, plus directe, du scénariste américain Sam Shepard.

Travis, cet homme qui marche et ne peut s’arrêter jamais, revient dans la norme le temps de reconstruire ce qui reste, et ce qu’il a laissé, de sa vie en s’enfuyant vers l’oubli. Sa tentative de réinsertion et d’accomplissement permet à Wenders (avec la complicité habituelle de Robby Müller, directeur de la photographie renommé qui travailla également pour Jarmusch et von Tier) d’établir une belle anatomie de l’espace naturel, urbain ou plus personnel, d’abord par la composition des cadres (certains plans évoquent directement les toiles d’Edward Hopper, grand peintre de la solitude sociale), ensuite par l’utilisation emblématique des couleurs primaires, vert, rouge et bleu.

C’est d’ailleurs le rouge (et ses variantes) que l’on retrouve disséminés un peu partout dans les décors, sur les personnages et les accessoires, éléments conducteurs, essentiels, d’une existence qui se recompose lentement tels des petits cailloux à suivre jusqu’au pardon et la félicité, jusqu’à l’harmonie, puis finalement repartir pour l’exil aux rebords d’une vie soudain acceptée, soulagée, et comme assouvie dans sa globalité.


Wim Wenders sur SEUIL CRITIQUE(S) : Pina.

Paris, Texas
Tag(s) : #Cycles

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