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Des hauts et débats : la cage aux folles ?

Pressé, défié (harcelé ?) par cette entêtée d'Ashtray-girl me proposant d’organiser ensemble un débat "casse-gueule" suite à une remarque, dans ma critique concernant Star Trek, sur le couple crypto-gay Kirk/Spock, j’ai dû me fendre d’un article évoquant, ça tombe plutôt bien, les couples crypto-gays au cinéma, à la télévision et dans la bande dessinée.


La cage aux folles ?


Question piquante pour mise en bouche relevée : que fait Tintin pour pallier l’absence douloureuse de Tchang, le grand amour de sa vie ? Et bien il se console dans les gros bras d’un bear alcoolique, mélomane parfait et appréciant bien mieux la pipe que les vocalises amoureuses d’une cantatrice castratrice. Et pendant que Batman et Robin s’envoient en l’air dans leur uniforme fantasmatique, Brett Sinclair et Danny Wilde jouent les divas à travers l’Europe, justiciers milliardaires et possibles ancêtres queer de L’amour du risque.

Avérée, suggérée ou fantasmée, l’homosexualité, chez les duos masculins faisant jadis les beaux jours de la bande dessinée, du cinéma et de la télévision, a toujours suscité interrogations et raisonnements divers, chacun y percevant ce qu’il veut, ce qu’il prétend ou ce qu’il a compris par rapport à son analyse, son jugement et ses observations, en partie subjectifs. Jean Douchet estime ainsi que Reservoir dogs est un film crypto-gay, quand Tarantino lui-même y va de sa verve légendaire, dans Sleep with me, pour discourir sur l’homosexualité refoulée des protagonistes de Top gun. Vérité plausible, édifiante, ou effet de style garanti ?

Moins éventuelles et patentes chez les dames (Cagney et Lacey, Xena, Thelma et Louise…), les relations crypto-gays entre hommes ont surtout été révélées, caractérisées par rapport à un manque prononcé d’éléments féminins à leurs côtés (ou présents, mais jouant invariablement les faire-valoir, les fausses excuses et les potiches). Il n’y a bien que Falbala qui provoque quelques atermoiements suggestifs chez Obélix alors qu’Astérix, indifférent à ses charmes, se sent davantage écarté de l’affection indéfectible qui lie les deux irréductibles Gaulois dès lors que la belle blonde approche.

Ce désistement et désintéressement féminin pourraient donc constituer (avec son lot de répliques et de dialogues à double, voire triple sens) les composantes fondamentales favorisant l’ambiguïté des rapports virils, quitte à y voir un peu trop facilement une attitude équivoque dès lors que deux garçons ignorent jolies rondeurs et yeux de biche. Parfois, la fiction va jusqu’à dépasser la réalité et les artistes eux-mêmes sont alors sujets à des spéculations aussi variées que celles sur Blake et Mortimer ou Starsky et Hutch (Rock Hudson, Cary Grant, Tom Cruise, Kevin Spacey…).

De nos jours plus visible et plus exprimable, l’homosexualité sous-entendue, "métaphorisée" à une certaine époque, servait à traduire une préférence, une opinion favorable qu’il était, alors, de bon ton de réprimer ou de taire (voir à ce sujet le passionnant documentaire The celluloid closet). Gene Roddenberry, le créateur de Star Trek, a souvent utilisé les épisodes de sa série pour concrétiser sa représentation d'une société idéaliste fondée sur des principes de tolérance rejetant minorités, machisme et racisme. Il serait presque évident de déceler, dans la relation platonique Kirk/Spock, un plaidoyer audacieux pour l’amour entre hommes.

Il y a 60 ans, l’homosexualité n’était pas admise, tolérée, et alors dénoncée comme contre-nature, comme une maladie mentale (en France, c’est en 1981 seulement que l’homosexualité sera dépénalisée). Il y a eu le "code Hays", vers 1930 en Amérique, qui interdit ainsi, aux scénaristes et cinéastes, de faire la moindre allusion aux homosexuels. Les auteurs devaient donc ruser pour affirmer leurs idées, leurs opinions, et peut-être leurs préférences, tout se jouant alors sur les doubles sens et autres allusions diverses. Aujourd’hui, les auteurs n’ont plus réellement besoin de cacher l’homosexualité de leurs personnages (ou la leur) puisqu’elle est davantage intégrée à notre société. Il n’y a donc plus vraiment de "sens" à jouer sur l’ambiguïté des héros : tout s’affiche plus clairement, les personnages gays le sont pleinement et sans détour. Certes, il y a eu et il y aura toujours cette partie de l’appropriation, de l’interprétation subjective par rapport à des personnages, mais moins pour ceux d’aujourd’hui où leur homosexualité est parfaitement établie (voir par exemple Plus belle la vie).

Au demeurant, certains personnages, clairement établis comme des hétérosexuels pur jus, sont souvent malmenés à l’égard de leur sexualité sans, néanmoins, que l’on puisse la remettre en question. Les trois garçons de Friends, par exemple, et plus particulièrement Chandler, sont régulièrement raillés par leurs ami(e)s (et par les scénaristes qui s’en amusent volontairement) sur la possible dualité de leur comportement (les siestes câlines de Joey et Ross, Chandler se féminisant suite à l’écoute d’une cassette de relaxation…).

Faut-il donc en déduire que la plupart des héros de notre adolescence sont, en réalité, des honteuses ? Magnum, butch à la moustache plus que suggestive, se tape-t-il vraiment Higgins, rondouillard coincé et précieux ? James, toujours vêtu de tenues moulantes, et Artemus, roi (reine ?) du travestissement, sont-ils secrètement amants ? Ben-Hur et Messala sont-ils plus que des frères d’armes ? Qu’importe les affinités électives ou les amitiés particulières ; dans nos cœurs ils resteront ces grands gaillards sympathiques qui ont gaiement illuminé après-midi et soirées de notre enfance.

Tag(s) : #Vie du blog

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