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Les rencontres d'après minuit

Ils sont jeunes, ils sont beaux et ils s’aiment, surtout à plusieurs. Ali et Matthias forment un couple glamour flanqué d’une gouvernante qui est un homme, Udo, qui ne se gêne pas pour l’embrasser elle ou le branler lui. Ce soir, monsieur et madame ont décidé d’organiser une partouze et les voilà poireautant, attendant leurs hôtes qui se font désirer : la chienne, l’étalon, l’adolescent et la star. Partouze qui sera l’occasion d’autant révéler ses faiblesses et ses blessures que d’offrir son corps, ses grains de peau pour quelques caresses, en pâture pour quelques baisers ou saillies. Entre réminiscences rohmeriennes et perspectives théâtrales prononcées, Les rencontres d’après-minuit joue à fond la carte de la singularité : esthétique dépouillée, intrigue minimale, langage cru et tirades volubiles. On se délecte.

Plastiquement, le film cultive à merveille le look années 80 jusque dans les belles mélodies de M83, froides et synthétiques pour dancefloors indifférents. Yann Gonzalez, dont c’est le premier long-métrage, se gorge d’une élégance blasée, magnifiquement artificielle, et disserte sur la vie, l’amour et la mort à travers le temps avec l’air de ne pas y toucher. Les invités narrent chacun leur rêve, un peu de leur histoire aussi, se jaugent puis s’apprivoisent pour finir ensemble, dominés par cette envie d’être un tout en harmonie sous la neige. La recherche du plaisir est comme un rite sans cesse renouvelé (en particulier pour Ali, Matthias et Udo) ; elle passe par l’autre, cet autre qu’il faut comprendre, envisager et aimer dans sa globalité sans y quêter le moindre clivage.

Mais l’exercice, aussi brillant fut-il dans ses parures enjôleuses, a des limites ; limites décelables quand vient la dernière ligne droite, quand le rythme cahote, quand l’originalité s’effrite et tourne en rond, quand Gonzalez croit trop à ses strictes manières et en oublie le frisson, le vrai, et la jouissance terminale (pour ne pas dire séminale). Les acteurs batifolent, se lâchent, principalement Nicolas Maury (impayable et impeccable dans le rôle d’Udo) et Éric Cantona qui détonne parce que Gonzalez s’est amusé à ne l’épargner sous aucun prétexte : à quatre pattes en slip dans une cage et fouetté par Béatrice Dalle, ou son braquemart dégagé à la vue de tous attisant les convoitises, ou faisant l’amour à un homme sapé en soubrette. Poétique, espiègle, surréaliste souvent, libertin forcément, Les rencontres d’après minuit a le charme sûr de lui d’un bel objet design auquel il manquerait un petit supplément d’âme.


Yann Gonzalez sur SEUIL CRITIQUE(S) : Un couteau dans le cœur.

Les rencontres d'après minuit
Tag(s) : #Films, #Cannes 2013

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